L’Union africaine s’est engagée à soutenir la Côte d’Ivoire afin que l’élection présidentielle prévue en octobre se déroule dans le calme.
À seulement quatre mois du vote, la situation politique devient de plus en plus tendue. L’exclusion de plusieurs figures importantes de l’opposition de la liste électorale ne fait qu’aggraver les tensions.
Alors que le dialogue entre le gouvernement et l’opposition est toujours bloqué, de nombreux observateurs se tournent vers la CEDEAO, l’organisation régionale d’Afrique de l’Ouest.
Souvent critiquée pour son manque de réactivité, la CEDEAO pourra-t-elle jouer un rôle efficace de médiateur pour rapprocher les différentes parties et apaiser le climat politique en Côte d’Ivoire ?
Morgan Assogba Metondji, spécialiste de la CEDEAO, apporte des éléments de réponse. Il est l’invité de la rédaction.
Le rôle traditionnel de la CEDEAO
Depuis sa création, la CEDEAO se positionne comme un acteur régional de stabilisation, intervenant dans les conflits internes de ses États membres. Elle a, par le passé, joué des rôles clés dans des crises au Mali, en Guinée-Bissau, en Gambie ou au Liberia, souvent à travers des missions d’observation électorale, de médiation ou même, dans certains cas, d’intervention militaire (ECOMOG).
🔍 Le contexte ivoirien actuel
La Côte d’Ivoire se dirige vers une élection présidentielle sous tension, marquée par :
- Des soupçons sur l’indépendance des institutions électorales,
- Une opposition fragmentée mais méfiante,
- Des accusations de répression des libertés publiques,
- Des blessures encore ouvertes des crises de 2010 et 2020.
Dans ce climat, certains appellent à une médiation régionale avant que la situation ne dégénère.
❓ La CEDEAO est-elle perçue comme neutre ?
C’est là que la difficulté commence. Plusieurs observateurs reprochent à la CEDEAO :
- Une proximité perçue avec certains régimes en place,
- Une lenteur d’action dans des situations urgentes,
- Un manque d’anticipation, notamment face aux manipulations constitutionnelles ou aux troisièmes mandats controversés.
Cela remet en question sa crédibilité en tant qu’arbitre impartial.
🛠️ Capacités techniques vs volonté politique
Sur le plan technique, la CEDEAO dispose :
- D’experts électoraux,
- D’observateurs,
- De diplomates aguerris.
Mais la volonté politique des chefs d’État membres conditionne fortement la portée de ses interventions. Si des intérêts nationaux ou des alliances entre présidents dominent, la médiation peut être affaiblie ou perçue comme biaisée.
🗣️ Ce que disent les analystes
Des analystes et figures de la société civile estiment que :
- La CEDEAO peut encore jouer un rôle utile, si elle agit de manière précoce, transparente et inclusive,
- Elle doit impliquer des acteurs crédibles : religieux, traditionnels, société civile, diaspora,
- Elle gagnerait à être renforcée institutionnellement, pour ne pas dépendre uniquement des bonnes volontés politiques.
✅ Conclusion
La CEDEAO a les outils, mais sa capacité à les utiliser efficacement dépendra de :
- Son indépendance face aux États membres puissants,
- Sa réactivité face aux signaux d’alerte,
- Sa légitimité perçue par les populations ivoiriennes.
Sans cela, la médiation pourrait être rejetée ou inefficace, ouvrant la voie à de nouvelles tensions dans un pays déjà fragilisé par ses passés électoraux.