Parakou, la troisième plus grande ville du Bénin, vibre au cœur du département du Borgou, au nord du pays. Avec plus de 200 000 habitants, elle est un carrefour commercial reliant les agriculteurs des plaines riches en coton — qui produisent 40 % du coton béninois — aux marchés du Niger, du Nigeria et au-delà. Pourtant, avant 2018, ses principales voies de communication, la RNIE 2 (Route Nationale Inter-États 2) et la RNIE 6 (Route Nationale Inter-États 6), n’étaient que des routes étroites et délabrées. « Nous appelions la RNIE 2 “la route de la mort” », raconte Issa Gounou Chabi, un conducteur de moto-taxi de 45 ans qui l’emprunte depuis des décennies. « Les accidents étaient quotidiens. On entendait toujours les sirènes des pompiers venir sauver quelqu’un ; c’était sans fin. » Les embouteillages étouffaient la ville, entraînant des pertes commerciales estimées à 50 millions de dollars par an sur ce corridor Nord-Sud.
Adidjatou Soumaila, une vendeuse d’ignames de 39 ans au marché de Zongo, a elle aussi ressenti la pression. « La route était trop étroite », se souvient-elle en montrant l’endroit où la RNIE 2 traverse les étals. « Traverser avec mes paniers était un combat. Les camions nous bloquaient, et les clients ne pouvaient pas m’atteindre. » Elle perdait la moitié de ses marchandises à cause des retards, ne gagnant que 20 000 francs CFA (environ 33 dollars) par semaine, à peine de quoi subvenir aux besoins de ses trois enfants. Zakari Zeynab, une jeune vendeuse installée non loin de là, ajoute : « On vivait dans la peur. Les motos, les camions et les piétons se mêlaient. Chaque jour, on priait pour qu’il n’y ait pas de blessé. »
Le soulagement est venu grâce à la Banque africaine de développement, à travers le Projet de Transport Urbain de Parakou. Approuvé le 19 décembre 2018 pour un montant de 65 millions de dollars, il transforme 17,55 kilomètres des RNIE 2 et 6 en voies doubles, chaque direction séparée par un terre-plein central et éclairée par des lampadaires solaires. En mars 2025, alors que l’achèvement est prévu pour décembre, les temps de trajet aux heures de pointe sont passés de 45 à 15 minutes. « Ces routes sont un trésor », affirme Issa. « La circulation est fluide maintenant, et on nous dit que les décès ont diminué — je le ressens. » Le taux d’accidents a baissé de 20 % en 2024, un changement ressenti dans les trois arrondissements de Parakou.
Pour Adidjatou, le changement est concret : « J’arrive plus vite au marché, et mes ignames restent fraîches », dit-elle. Ses ventes ont grimpé à 26 000 francs CFA (environ 43 dollars) par semaine, ce qui lui a permis d’acheter des livres scolaires pour son aîné. « C’est plus facile de traverser maintenant. Les clients viennent à moi. » Zakari acquiesce : « Plus de panique. On fait ses courses et on marche tranquillement, sans accidents. » Abdou Karim Danialou, un commerçant d’une cinquantaine d’années, voit plus grand : « Avant, c’était le chaos, camions, voitures, motos, piétons, tout mélangé. Maintenant, avec cette double voie, on est en sécurité. Je n’ai pas vu d’accident ici depuis des années. » Ses livraisons vers Cotonou, autrefois retardées par les bouchons, arrivent désormais au port deux fois plus vite, augmentant ses bénéfices.
L’impact du projet dépasse les 200 000 habitants de Parakou. Il profite également aux agriculteurs et commerçants de tout le Borgou et des pays voisins. Les producteurs de coton, qui dépendent de la RNIE 6 pour acheminer leurs balles vers le sud, gagnent plusieurs jours de transport. Environ 1 500 emplois temporaires ont été créés d’ici 2024, beaucoup pour des femmes, comme la cousine d’Adidjatou, qui emprunte les voies nouvellement pavées. « Il n’y a pas que nous », affirme Abdou Karim. « Les Nigériens, les Nigérians, tout le monde circule plus vite maintenant. » Cela s’inscrit dans l’objectif de la Banque « Intégrer l’Afrique », transformant une solution locale en réussite régionale.
Depuis les années 1970, la Banque africaine de développement soutient la croissance du Bénin. Les 65 millions de dollars investis dans le projet de Parakou représentent un capital financier qui libère les routes commerciales du Bénin (capital naturel) et améliore la vie de personnes comme Issa, Adidjatou, Zakari et Abdou Karim (capital humain). Mais ils espèrent encore des améliorations. Issa plaide : « Des voleurs cassent les lampadaires solaires. Donnez-nous des plus résistants et empêchez les inondations de tout abîmer. » Adidjatou approuve, imaginant les flaques d’eau pendant la saison des pluies. Abdou Karim ajoute : « Un parking serait utile. Les clients bloquent tout faute d’espace. » Zakari conclut : « Continuez à nous soutenir. Que Dieu vous bénisse. » Selon : afdb.org
Les nouvelles routes de Parakou prouvent que le capital africain peut construire plus que des infrastructures : il construit des avenirs.